Avant même son investiture, le président élu Donald Trump menace les pays voisins avec des tarifs douaniers et des sanctions, fragilisant les relations et rapprochant les nations latino-américaines de la Chine.
Alors que Donald Trump avance avec les nominations pour sa nouvelle administration, il continue de faire des vagues en menaçant d'imposer des tarifs douaniers à ses voisins proches - le Canada et le Mexique - ainsi qu'à certains membres des BRICS, notamment le Brésil, l'un des membres fondateurs.
L'imprévisibilité semble être devenue la marque de fabrique du président américain réélu. Toutefois, certains schémas récurrents se dégagent, tels que l'usage des tarifs et des menaces comme outils diplomatiques, ainsi qu'un accent mis sur la loyauté dans le choix de ses collaborateurs, souvent au détriment de leurs compétences. Après les échecs de son premier mandat, Trump semble avoir placé la loyauté au sommet de ses priorités, reléguant les qualifications au second plan.
Politique étrangère et commerce : Isolationnisme et « America First »
Les dernières nominations de Donald Trump indiquent un changement clair dans la politique étrangère américaine, vers une approche plus isolationniste et transactionnelle, notamment vis-à-vis de l'Amérique latine. Mike Waltz, en tant que conseiller à la sécurité nationale, apporte une perspective défensive et un isolationnisme pragmatique. Marco Rubio, nommé secrétaire d'État, adopte une posture agressive pour contrer l'influence chinoise et répondre aux tendances jugées trop « gauchistes » dans la région. Enfin, Elise Stefanik, ambassadrice auprès de l'ONU, signale une moindre importance accordée à la diplomatie multilatérale au profit de relations bilatérales plus directes et transactionnelles.
Ces choix reflètent des politiques privilégiant les intérêts des États-Unis au détriment d'un engagement global. L'Amérique latine pourrait ainsi faire face à des sanctions ciblées ou à des interventions, notamment contre des pays perçus comme proches de la Chine ou adoptant des politiques de gauche. Des nations comme le Venezuela, Cuba et le Nicaragua pourraient subir une pression accrue, tandis que des pays ayant des liens économiques étroits avec la Chine - comme le Brésil, le Pérou et l'Argentine - risquent de devoir jongler entre leurs relations avec Washington et Pékin.
La décision du Brésil de ne pas rejoindre officiellement l'Initiative « Belt and Road » de la Chine, tout en signant 37 accords et projets clés lors de la récente visite de Xi Jinping, illustre une tentative prudente d'éviter de provoquer la nouvelle administration Trump.
Malgré les discours ultra-libéraux du président argentin Javier Milei et ses liens personnels avec Trump et Elon Musk, l'Argentine reste un récipiendaire important d'investissements chinois. Ceux-ci incluent des projets hydroélectriques tels que les barrages Kirchner-Cepernic, le commerce agricole (soja et viande), ainsi que le financement d'infrastructures ferroviaires et de transport.
Sur le plan commercial et économique, la nomination de Robert Lighthizer, fervent défenseur des tarifs douaniers et des accords renégociés dans le cadre du programme « America First », annonce un virage vers un protectionnisme accru. Cela inclut l'élargissement des tarifs ou l'imposition de nouvelles barrières commerciales ciblant la Chine et exerçant des pressions sur les alliés latino-américains pour obtenir des accords plus favorables aux industries américaines.
Des impacts significatifs pour l'Amérique latine
Les implications pour l'Amérique latine sont considérables. Les pays fortement dépendants du commerce avec les États-Unis, comme le Mexique, le Guatemala et le Honduras, sont particulièrement vulnérables. Le Mexique, qui envoie environ 85 % de ses exportations aux États-Unis, serait l'un des plus durement touchés par les tarifs envisagés. D'éventuelles représailles mexicaines pourraient encore exacerber les tensions, notamment face aux accusations américaines selon lesquelles la Chine utiliserait le Mexique comme voie de contournement des tarifs douaniers.
Tarifs et tensions : le Mexique résiste aux menaces de Trump
Donald Trump accuse le Mexique de laisser « des milliers de personnes » entrer aux États-Unis, apportant prétendument « un niveau de crime et de drogue jamais vu auparavant ». Il a particulièrement mis en avant le fentanyl, affirmant que le Mexique était responsable de son entrée sur le territoire américain.
Pour intensifier la pression, Trump a menacé d'imposer des tarifs sur les produits mexicains - une violation claire de l'accord de libre-échange qui lie les deux nations - afin d'obtenir des mesures plus strictes sur l'immigration et le contrôle des drogues. Il a également envisagé de taxer les envois de fonds des États-Unis vers le Mexique, un soutien économique crucial pour de nombreuses familles mexicaines. Enfin, Trump a proposé de désigner les cartels mexicains comme des organisations terroristes, ouvrant la porte à des actions militaires ou unilatérales américaines.
En réponse, la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum a fermement averti que son pays imposerait des tarifs en représailles sur les produits américains, ce qui pourrait entraîner des risques économiques pour les deux pays. Elle a également souligné le rôle des États-Unis dans l'alimentation de la violence au Mexique, en notant que de nombreuses armes utilisées par les gangs mexicains proviennent des États-Unis. De plus, la demande de drogues synthétiques comme le fentanyl émane principalement des consommateurs américains, exacerbant ainsi les problèmes de criminalité et de violence au sud de la frontière.
Sheinbaum ne s'est pas arrêtée là. Elle a critiqué les priorités budgétaires américaines, suggérant qu'un redéploiement d'une fraction de son budget militaire vers les causes profondes de la migration et le développement au Mexique pourrait produire des résultats plus durables. Prônant le dialogue plutôt que la confrontation, elle a annoncé son intention d'envoyer une lettre à Trump pour appeler à une coopération renforcée entre les deux nations.
Implications pour les relations américano-mexicaines
Avec un début aussi houleux, on peut se demander quelles seront les implications pour les relations entre les États-Unis et le Mexique sous le second mandat de Trump. L'échange précoce d'accusations et de menaces a instauré un ton agressif, rendant presque inévitable une relation bilatérale mouvementée. Une éventuelle guerre tarifaire pourrait perturber le commerce, affectant les entreprises et l'économie mexicaine, qui repose fortement sur les échanges transfrontaliers.
Sur le plan géopolitique, la nouvelle confiance du Mexique, renforcée par le soutien de la Chine, reflète un changement dans son approche face à la pression américaine. Ce changement pourrait introduire de nouvelles dynamiques dans les relations nord-américaines, remettant en question les équilibres de pouvoir établis depuis longtemps. Pendant ce temps, la réponse affirmée et articulée de Claudia Sheinbaum souligne la volonté du Mexique de ne pas céder aux menaces américaines, signalant une défense plus forte de sa souveraineté et de ses politiques. Cette réaction assertive contraste avec celle plus mesurée du Canada ou des pays européens.
En fin de compte, la rhétorique agressive de Trump et la position résolue de Sheinbaum mettent en lumière des problèmes structurels plus profonds, tels que la demande américaine de drogues et le trafic d'armes vers le Mexique. Trouver des solutions à ces défis nécessitera une coopération accrue plutôt que des actions unilatérales. Cependant, l'implication de puissances extérieures comme la Chine complexifie davantage la situation, rendant l'avenir semé d'embûches pour les deux nations et pour l'Amérique latine dans son ensemble.
Dans la deuxième partie de cet article, j'examinerai la place de la Chine dans la diplomatie des tarifs et des menaces de Trump envers l'Amérique latine.
Ricardo Martins - Docteur en sociologie, spécialiste des politiques européennes et internationales ainsi que de la géopolitique